Dans le cadre de notre tâche d’information, nous publions ci-dessous un texte vu sur le web aujourd’hui. La thématique est «l’automobile».
Son titre (Carte blanche: Il faut sauver le garage de l’Ours à Lausanne) est parlant.
Sachez que l’éditorialiste (identifié sous le nom d’anonymat
) est positivement connu.
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Il fait pâle figure, l’ancien garage de l’Ours, situé en bas du Bugnon, entouré de barrières tordues, des containers du restaurant adjacent et d’une vieille calèche décorative qui prend l’eau. Surtout, il est entouré de gabarits et d’un avis de mise à l’enquête qui s’est achevée le 30 novembre. Pour la deuxième fois, cette petite friche urbaine est visée par un projet de densification: 25 logements, 2 commerces, une place de jeux et 40 places pour vélos.
«Nos vieilles pompes à essence, ces petites installations qu’aurait pu peindre Hopper s’il avait été Vaudois.»
Ce garage, c’est un petit morceau d’histoire. Succédant – nous dit Louis Polla – aux écuries Bloch, un garage de l’Ours est cité dans la «Feuille d’Avis de Lausanne» en 1920 déjà, aux mains d’un certain Bigler, qui officie aussi comme soudeur et revendeur de side-car. L’affaire passe rapidement aux mains d’un Léon Burki, déménageur à ses heures. Le coin est pratique, même si on n’y accède qu’en zigzaguant entre le tramway pour Moudon et les piétons.
On y trouve des Fiat 501 et des Delage 11 d’occasion quand l’enseigne lausannoise devient revendeur des bolides de luxe de Courbevoie. Années 30, le garage appartient à Hans Jäggi, spécialiste camionnettes, tracteurs en tout genre, chez qui la police place parfois les véhicules sous séquestres. Le tenancier est un malin, qui en 1940, inonde la presse de réclames d’appareils gazogène à bois transformable: «Pénurie de carburants, qu’importe!»
En 1948, un premier couvert s’avance du garage, juste derrière l’hôtel, bientôt remplacé par une petite station-service, installée en 1953 par le nouveau propriétaire, Pierre Ischi, issu de la dynastie de garagistes payernois. La même année, un mécanicien y frôle la mort, écrasé sous une voiture. Le vérin avait cédé. Ce sont cependant les plus belles heures du garage de l’Ours, qui se mue en auto-école avec une jeep jaune connue de tout Lausanne. On y fait le plein avant de remonter le rude Bugnon, cramant une partie de la benzine au passage. Le garage est au cœur d’un quartier vivant, où la fête du 1er Août est chaque année un incontournable.
L’affaire Ischi & fils, revendeurs Mazda, roule encore dans les années 80, quand on engage des pompistes et on refait la station pour lui donner ses sobres formes actuelles (1984 pour être exact, marquise des architectes Favre & Weber). De belles années: en dix ans, le parc automobile vaudois a presque doublé. En 2001, les Ischi remettent à Jean-Paul Gillet. Elle est depuis passée, un temps, chez Migrol et, sauf erreur, à un réparateur de deux-roues, avant de fermer inexorablement, comme beaucoup de stations-services en plein centre. Le monde change.
Le monde change vite, laissant peu de temps pour parvenir à une définition de ce qu’est finalement le patrimoine vaudois, cet ensemble disparate de gothique, de bernois et de Corbusier. On retiendra seulement qu’on ne conserve pas tel ou tel bâtiment parce qu’on le trouve vintage ou qu’il nous rend nostalgique. Les morceaux de pierre et de béton qui restent sont ceux qui parviennent à parler pour leur époque.
Garder des exemples
Le garage de l’Ours en fait partie. Tout comme celui de la Sallaz soit dit en passant, avec sa marquise de 1931 en piliers champignons. Or, il faut également savoir les garder, nos vieilles pompes à essence, ces petites installations qu’aurait pu peindre Hopper s’il avait été Vaudois, des locaux exigus dont les murs sentent encore le diesel et la sueur des employés. L’odeur de ce qui a été la modernité, la vitesse, le succès.
Un jour, nos enfants, petits-enfants nous demanderont des comptes sur le climat. Ils voudront savoir pourquoi nous avons pollué. On n’aura sans doute pas les mots. Alors qu’on puisse au moins leur montrer quelques vieilles stations-service.
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Bibliographie :
À travers l’Inde en automobile/08,Le livre .
La France et ses régions: La Franche-Comté. Le secteur automobile.,(la couverture) .
Le trésor de Bigot,Ouvrage . A emprunter en bibliothèque.
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– Il faut sauver le garage de l’Ours à Lausanne
L’endroit où se situe l’ancienne station-service est visé par un projet de densification.